Le temps de digérer
- Camille Bellot
- 23 juin 2022
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 27 juin 2022
Une journée classique au bureau
13h30 : mon ventre gargouille, je décide de faire une pause déjeuner.
13h40 : je m’installe à mon bureau pour savourer un repas préparé la veille au soir, j’ai très faim.
Une bouchée, deux bouchées… ça fait du bien. Je regarde mon écran d’ordinateur quand je vois un mail s’afficher avec pour objet « URGENT », j’avale ma troisième bouchée.
C’est Pierre, mon responsable qui écrit. Je lis le mail et constate qu’il faut refaire toute la présentation prévue pour la réunion de 15h.…sueur froide, j’avale ma quatrième bouchée en ouvrant le document en question.
Ni une ni deux, je commence à faire les corrections tout en avalant ma cinquième, sixième …bouchée.
Je transpire.
14h30 : je renvoie la version modifiée à Pierre.
Ouf, je souffle un peu… je regarde mon assiette vide. J’ai mal au ventre.
Manger vite, sans mastiquer, en faisant autre chose est devenu une habitude, notre nouvelle façon de s’alimenter au XXI siècle. A la question « mangez-vous vite ?», 9 patients sur 10 répondent « Oui » *.
Pourtant le fait de « manger » est loin d’être anodin pour notre organisme. La digestion est un phénomène extraordinaire qui fait intervenir une dizaine d’organes et nécessite beaucoup d’énergie.
Décortiquons ce processus :
Tout d’abord il y a la phase « orale » de la digestion qui consiste à réduire la taille des aliments afin d’obtenir un bol alimentaire : « une masse sphérique, de substance molle résultant de l’agglutination par la langue et la salive des particules alimentaires, produites par la mastication et prête à être déglutie. » 1
Ensuite il y a la phase gastrique, pour initier la digestion enzymatique et chimique, puis la phase intestinale pour réduire les macromolécules et absorber les nutriments et enfin a lieu la fermentation et la réabsorption au niveau du colon. 2
La première phase orale de la digestion se passe dans notre bouche et fait intervenir les dents, la langue, les muscles des joues, les mâchoires et l’ensemble des glandes salivaires. La mastication a un rôle très important puisqu’elle elle permet de broyer et de réduire en petits fragments les aliments et de les mélanger à la salive afin de les lubrifier. 3
La mastication va également initier la sécrétion d’enzymes au niveau de la bouche et de l’estomac et influencer l’appétit et la biodisponibilité des aliments. 4

L’eau à la bouche :
Une autre action indispensable à cette phase est la salivation qui va lubrifier les aliments et garantir l’équilibre bucco-dentaire. En effet la salive préserve la muqueuse des infections, prévient la dissolution des dents, aide à la digestion et facilite le goût. 5
Afin d’optimiser la phase orale, il est important de prendre le temps de mâcher et de savourer les aliments que l’on ingère. C’est d’autant plus important qu’il s’agit de la première étape d’un travail à la chaîne ; autrement dit, si elle n’est pas correctement réalisée c’est le résultat final qui sera impacté, quand bien même les étapes intermédiaires seraient optimales.
En parallèle, notre conscience doit aussi être en phase avec le processus digestif.
Pleine conscience et digestion :
Nombreuses sont les études qui démontrent les liens forts entre cerveaux et intestins, le fameux
« gut-brain axis ». Les émotions ont un impact direct sur l’ensemble du processus digestif et tout état de stress ou d’anxiété peut mettre à mal la digestion.
En effet une exposition au stress entraîne une altération des interactions « cerveau -intestin » qui peut mener à l’apparition de désordres gastro-intestinaux comme l’inflammation de bas grade, le syndrome de l’intestin irritable ou d’autres maladies comme les allergies alimentaires, l’ulcère ou le reflux gastrique. 6
L’exercice de la pleine conscience permettrait d’atténuer le stress impliqué dans le dysfonctionnement gastro-intestinal. 7 Cet exercice demande d’être concentré sur son assiette : goût, odorat, vue et sensations alimentaires sont éveillés.
Par ailleurs, la manière dont nous mangeons a un impact sur la satiété.
Digestion orale et satiété :
La capacité d’un individu à percevoir les goûts serait un des facteurs influençant la quantité de nourriture ingérée. En effet le goût a un effet sur la régulation de l’appétit et joue un rôle dans l’apparition du sentiment de satiété. 8
Les résultats d’une série d’études ont montré qu’un sentiment de satiété faible lié à une consommation de boissons énergisantes par exemple peut être attribué à un passage très rapide de la nourriture au niveau oral. 9
Pour résumer, il est clair que notre manière de manger a un impact important sur notre digestion et notre santé de manière générale. Prendre le temps de manger, saliver, savourer, goûter, mastiquer, être en pleine conscience pendant nos repas et prendre du plaisir…. permet à la digestion d’être optimale.
Cela nécessite de prendre du temps, et c’est peut-être ça aussi la santé, prendre du temps pour soi.
*panel d’environ 100 patients
1 https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=bol%20alimentaire%2Cbolus
3 https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/odi.12867
6 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22314561/
7 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32549835/
8. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32195512/
9. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22609070/
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